La Sainte-Chapelle du Palais (1241-1248)
Boulevard du Palais
La Sainte-Chapelle et le palais de justice
La Sainte-Chapelle du Palais fut édifiée dans l’enceinte du palais de la Cité (actuel palais de justice), à la demande de Louis IX, communément appelé « Saint-Louis ». L’édifice abrita plusieurs reliques de la Passion (dont la Sainte Couronne et un morceau de la Vraie Croix), dont le roi de France fit l’acquisition à partir de 1239. Ces reliques, pillées par les Croisés lors du sac de Constantinople, en 1204, avaient été conservées par le premier empereur de Constantinople, Baudouin VI de Hainaut, et par ses successeurs, jusqu’à Baudouin II de Courtenay, qui les mit en gage chez un marchand vénitien pour assurer la dépense de son empire.
Charles Thévenin (1764-1838)
Saint Louis déposant la couronne d’épines dans la Sainte Chapelle de Paris en 1248 (détail), 1825, huile sur toile, 215 x 154 cm, château de Versailles
C’est à ce marchand vénitien, Nicolo Quirino, que Saint-Louis acheta la Sainte Couronne. Elle entra dans Paris le 18 août 1239 et prit place provisoirement dans la chapelle Saint-Nicolas du palais de la Cité. Le roi de France fit ensuite l’acquisition de plusieurs autres reliques, en 1241 et 1242. C’est pour servir d’écrin à cette Sainte Collection que le souverain projeta la construction d’une chapelle, conçue comme une vaste châsse.
Auguste Alexandre Guillaumot (1815-1892), d’après Charles Fichot (1817-1903)
Le Palais en l’Île. Sainte-Chapelle et la cour des comptes vers 1600 [avec la galerie Mercière, perpendiculaire à la chapelle royale et la Grand'Salle], XIXe siècle, gravure, Paris, musée Carnavalet
Implantée au cœur du palais de la Cité, principal lieu de résidence de Saint-Louis, avec Vincennes, la Sainte Chapelle affirmait le lien sacré entre les reliques et la couronne royale. Elle jouait également un rôle judiciaire, puisque seigneurs et vassaux prêtaient serment sur les reliques. Son édification entraîna la destruction de la chapelle Saint-Nicolas. Le nouvel édifice fut le siège d’un collège de chanoines (jusqu’en 1787) et servit de lieu de culte au personnel du palais.
La Sainte Chapelle comprend deux niveaux, correspondant à deux chapelles superposées : la chapelle basse et la chapelle haute. Le souverain avait la possibilité d’accéder de plain-pied à la chapelle haute en empruntant la galerie Mercière. Celle-ci reliait la chapelle royale à la Grand’Salle, dont les deux pignons paraissent souvent sur les représentations anciennes.
Une sacristie, accolée au flanc nord du chevet de la Sainte-Chapelle, présentait une structure analogue à la grande chapelle ; elle était en outre éclairée par de semblables verrières. Saint-Louis y déposa les archives royales, si bien que ce bâtiment passa à la postérité sous le nom de « Trésor des Chartes ». La sacristie de la Sainte-Chapelle abrita à la fois les objets liturgiques et les titres du domaine royal jusqu’à sa destruction, en 1783.
La chapelle haute
De plan basilical, la Sainte-Chapelle possède, à chaque niveau, une simple nef, sans collatéraux ni transept. La chapelle haute s’élève en outre d’un seul jet, sans grandes arcades, et se caractérise par un évidement considérable des murs, au profit des verrières.
A l’intérieur de la Sainte-Chapelle, l’absence de déambulatoire, nécessaire aux fidèles qui souhaitent défiler devant les reliques, confirme que l’édifice n’était pas destiné au pèlerinage, mais servait de lieu de prière au roi. Seuls deux escaliers à vis appliqués contre la façade occidentale donnent d’ailleurs la possibilité d’accéder, depuis le rez-de-chaussée, à la chapelle haute. Cependant, celle-ci ne dispose pas de tribune royale, mais d’un simple oratoire logé dans une niche du mur de la quatrième travée.
Une grande châsse, véritable coffre-fort d’orfèvrerie contenant plusieurs reliquaires, renfermait les reliques. Elle était exposée dans l’abside de la chapelle haute. En 1254, elle prit place sur un édicule voûté, accessible par deux escaliers à vis en bois, et fut disposée symboliquement sous un dais. La grande châsse fut dépouillée de ses reliques sous la Révolution et fondue en 1791 : les reliques furent alors transportées à Saint-Denis, dispersées en différents endroits et parfois égarées.
Dans un état déplorable à l’issue de la Révolution, la Sainte Chapelle du Palais ne suscita guère d’intérêt avant la Monarchie de Juillet. Sa restauration fut décidée en 1836 et confiée à Félix Duban (1797-1870) et Jean-Baptiste Lassus (1807-1857). C’est au cours de ce chantier que Lassus dessina, en 1850, une nouvelle flèche imitant le style gothique flamboyant du XVe siècle. A sa mort, Emile Bœswillwald (1815-1896) prit sa succession jusqu’à l’achèvement des travaux, en 1863. A partir de 2008, plusieurs campagnes de restauration permirent de remettre en état les maçonneries et les verrières.
La façade occidentale de la Sainte-Chapelle
La façade occidentale comprend un porche à deux niveaux, renforcé par quatre contreforts. Derrière une balustrade décorée d’arcatures à jour, s’élève le niveau de la grande rosace flamboyante, qui éclaire la chapelle haute. Enfin, le troisième niveau correspond au pignon, percé d’une petite rose et décoré de trois oculi feints. Ce pignon est flanqué de tourelles octogonales terminées par de petites flèches appliquées d’arcatures à leur base. Les écoinçons de la rosace sont sillonnés de mouchettes en fort relief. Les rampants du pignon sont garnis de crochets et reliés aux tourelles par des arcatures à jour hérissées de fleurons.
Les deux niveaux du porche donnent accès aux chapelles basse et haute. Un arc ogival plus large abrite le portail du rez-de-chaussée. Ce portail est constitué, comme celui de l’étage, d’une série de voussures, d’un trumeau séparant chaque vantail, d’un linteau et d’un tympan, largement ornés de sculptures.
Le décor sculpté original, malheureusement détruit à la Révolution, fut remplacé par de nouvelles figures, composées par le sculpteur et restaurateur Adolphe-Victor Geoffroy-Dechaume (1816-1892) : celui-ci tailla notamment la Vierge à l’Enfant placée au trumeau du portail inférieur et le Christ bénissant pour le trumeau du portail supérieur.
Les façades latérales laissent une impression de verticalité, produite à la fois par les puissants contreforts en saillie et les fenêtres, dont la largeur se réduit au niveau des murs incurvés de l’abside. Un chaînage métallique (étrésillons horizontaux) traverse les piliers et sépare, de manière quasi-imperceptible, les différents registres des vitraux, renforçant la capacité des contreforts à résister aux poussées de la voûte. Chaque fenêtre est surmontée d’un gâble, dont les rampants sont hérissés de crochets. Les contreforts sont amortis par des pinacles richement décorés et munis de gargouilles. Une balustrade à jour décorée d’arcatures trilobées, avec des trèfles aux écoinçons, court à la base du toit.
La façade méridionale se distingue par la présence d’un massif en maçonnerie faisant saillie, divisé en trois registres : le rez-de-chaussée, le registre intermédiaire et le couronnement. Le rez-de-chaussée de ce massif de maçonnerie forme une niche sous voûte d’ogives, qui correspond à l’ancienne «chapelle du cimetière». Son ouverture possède une archivolte moulurée, surmontée d’un gâble, sur la pointe duquel se dresse une statuette de la Vierge, disposée sous un dais. Au sommet de piliers ondulés, deux niches présentent, de part et d’autre, les statues de Saint-Louis, à gauche, et d’un évêque, à droite. Le registre intermédiaire est percé de fenêtres carrées. Cet édicule, bâti sous le règne de Louis XI, est couronné d’une balustrade à fleurs de lys, entre deux gargouilles et deux petits bustes, qui représentent des personnages tenant un phylactère.
Les figures d’apôtres de la flèche et l’archange du chevet
La flèche actuelle, exécutée en bois et revêtue de plomberies historiées, succéda, vers 1853-55, à de précédents ouvrages dont l’histoire est mal connue. En 1383, une seconde flèche remplaçait déjà une première flèche, avant d’être remplacée à son tour, vers 1460, peu avant la mort de Charles VII. Une quatrième flèche fut construite en 1671, bien avant que Lassus ne dessina la structure actuelle.
Cette flèche possède un soubassement octogonal, avec les figures des douze apôtres, disposées sous des motifs d’arcatures, et celles d’anges sonnant de la trompette ou portant les instruments de la Passion, disposées à la naissance de la pointe. L’atelier de Geoffroy-Dechaume réalisa les figures des apôtres et des anges : parmi celles-ci, saint Thomas et saint Philippe sont représentés sous les traits de l’architecte Jean-Baptiste Lassus et du peintre Auguste Steinheil (1814-1885). Geoffroy-Dechaume conçut également l’archange saint Michel terrassant le dragon, qui domine le chevet.
La chapelle basse : l’abside
La chapelle basse possède en apparence les caractères d’une crypte, même si le soin particulier porté à son décor lui confère une certaine élégance. Les piliers, dédoublés par des colonnes isolées, reçoivent les nervures de la voûte et supportent le poids de la chapelle haute. Ce dispositif forme par ailleurs de faux bas-côtés et un pseudo-déambulatoire à voûte autonome. Les colonnes isolées sont à chapiteau corinthien.
Dans l’abside, les fenêtres possèdent un remplage à deux lancettes. Dans la nef, les fenêtres adoptent la forme étonnante d’un triangle curviligne, dans lequel s’inscrit un grand oculus. Le soubassement de toutes les fenêtres est plaqué d’arcatures retombant sur des colonnes engagées, sans rapport avec la voûte. Un moulage d’après la statue de Saint-Louis en habit royal, commandée, vers 1307, par Enguerrand de Marigny, ministre de Philippe Le Bel, pour la chapelle de son château à Mainneville (Eure), a été disposé dans l’abside.
Dans la chapelle basse, le verre blanc remplaça, au XVIIe siècle, les vitraux colorés que la polychromie de l’architecture mettait en valeur. Peints dans des tons saturés, les murs avaient par ailleurs été badigeonnés, afin de masquer les dégâts d’une inondation. Au XIXe siècle, Bœswillwald restitua leurs couleurs rouge et bleu, ainsi que l’or employé pour faire ressortir la modénature. Les voûtains sont aujourd’hui peints en bleu, rehaussé de fleurs de lys.
Seule trace du décor du XIIIe siècle, une peinture murale, découverte en 1849, orne une baie aveugle située à la gauche du chœur : elle représente L’Annonciation dans les lancettes et la Vierge à l’Enfant dans l’oculus du tympan.
La chapelle haute : vue de l’abside
La chapelle haute, dont l’élévation est beaucoup plus simple et structurée, a une hauteur qui équivaut à deux fois sa largeur. Au revers de la façade occidentale, une coursière protégée par une balustrade file entre deux tourelles d’escalier, au pied de la grande rosace flamboyante. Le portail s’ouvre sous une arcade brisée, flanquée de deux arcades plus étroites en tiers point.
Lors de la restauration du XIXe siècle, Auguste Steinheil réalisa les peintures des tympans : elles représentent trois scènes de sacrifice de l’Ancien Testament ; un Christ bénissant entouré d’anges en prière et accompagné par les prophètes Isaïe et Jérémie ; puis les trois figures du sacrifice de la Croix : l’immolation de l’agneau pascal, le sang sur les maisons des Hébreux et le serment d’airain de Moïse dans le désert.
Le volume de la nef est d’autant plus frappant que les fenêtres moins élevées de l’abside suggèrent un éloignement plus important qu’en réalité. Les voûtains sont peints en bleu et rehaussés de petites étoiles d’or.
Le dallage de la nef
Le dallage du sol, conçu par Lassus et réalisé par Bœswillwald, d’après les dessins de Steinheil, est en pierre dure gravée en creux et incrustée de mastics de couleurs variées. Dans la nef, les motifs du dallage représentent des rinceaux encadrant des oiseaux, des quadrupèdes et des emblèmes héraldiques. Dans l’abside, les motifs du dallage montrent les quatre fleuves du paradis comme symbole de la grâce divine, ainsi que les sept sacrements qui jaillissent comme des sources d’un rocher.
L’un des médaillons situés sous les arcatures des murs latéraux
Sous les arcatures dorées, les tentures feintes sont l’œuvre de Lassus ; les médaillons à incrustation de verre, sur le thème des martyrs, résultent de restaurations ou de repeints de Steinheil.
Les arcatures forment trois arcades en tiers-point, réséquées chacune dans deux lancettes surmontées d’un trèfle. Une frise de feuillage court en dessous du seuil des fenêtres latérales. Les écoinçons des arcades sont garnis de bustes d’anges en haut-relief.
La statue d’apôtre du quatrième pilier sud de la chapelle haute
Dès le XIIIe siècle, douze statues d’apôtres étaient placées sur les colonnes engagées qui se dressent entre les arcatures du soubassement et les fenêtres. Elles furent, pour la plupart, lorsque la Sainte Chapelle servit de dépôt d’archives, puis exposées dans une salle du musée des Monuments français. Deux statues se brisèrent lors de l’opération et furent enterrées sous le pavement de la chapelle haute en 1797.
Dispersées après la fermeture du musée des Monuments français en 1816, les dix statues subsistantes furent envoyées en différents lieux et subirent de nouveaux dommages en 1830. C’est Duban qui les rassembla à partir de 1841 et décida de replacer celles qui pouvaient être réutilisées. Six figures d’apôtres furent ainsi conservées, alors que les quatre autres, jugées trop mutilées, furent envoyées au musée du Moyen-Âge de l’Hôtel de Cluny. Les têtes des quatre apôtres retrouvés au Mont-Valérien restèrent dans l’atelier de Geoffroy-Decheaume, avant de rejoindre le musée de Cluny en 1900 et d’être maladroitement ajustées sur les corps acéphales.
L’exécution des six nouvelles figures fut confiée à quatre sculpteurs : Aimé-Napoléon Perrey, Sébastien Delarue, Geoffroy-Decheaume et Michel Pascal. Les quelques débris des figures enfouies en 1797 et redécouvertes par Duban en septembre 1842 ne permirent pas à Perrey et à Delarue de suivre les modèles anciens. Les quatre sculpteurs purent en revanche créer de fidèles copies des statues revenues du Mont-Valérien
La tribune des reliques
La tribune des reliques, qui avait été entièrement démontée à la Révolution, a été restituée au XIXe siècle, d’après les vestiges stockés à Saint-Denis et au couvent des Petits-Augustins. Ce patient travail de reconstitution occupa les restaurateurs de la Sainte Chapelle de 1843 à 1850.
Le vitrail du Livre d’Esther
Les vitraux de la nef et de l’abside sont contemporains de l’édifice et remontent, pour la plupart, au XIIIe siècle. Quelques panneaux plus anciens, étrangers à la Sainte Chapelle, servirent de bouche-trou en plusieurs endroits : ils furent déposés au milieu du XIXe siècle et envoyés au musée de Cluny. De rares panneaux furent refaits pour compléter des lacunes.
Puisque la Sainte Chapelle de Paris ne possède qu’une seule nef et des fenêtres descendant assez bas, les sujets narratifs ornant les vitraux des façades latérales devaient porter un message utile à l’enseignement de la foi, même si les registres supérieurs sont difficilement déchiffrables.
La verrière de l’Histoire des saintes reliques de la Passion (La vraie Croix guérit une mourante / Constantin demande à sainte Hélène d’aller chercher la Croix à Jérusalem)
Chaque fenêtre présente un dessin différent, composé essentiellement d’ellipses ou d’amandes, quadrilobes, losanges et cercles. La première fenêtre, au nord, présente les scènes de l’Ancien Testament. La lecture s’effectue de la gauche à la droite, et du bas vers le haut, ligne par ligne. Le programme narratif s’achève par l’Apocalypse, illustré par la rose flamboyante de la façade occidentale.
Les premières scènes illustrent la Création, puis l’histoire du peuple hébreu jusqu’à son installation en Israël. Les dernières scènes représentent Saint-Louis recevant les reliques de la Passion. Concluant ce programme narratif, les verrières de l’Histoire des Saintes reliques de la Passion possèdent bien sûr une indéniable dimension historique : le récit évoque d’abord leur découverte par sainte Hélène, puis leur arrivée en France, à l’initiative de Saint-Louis.
Scène de la vie de Jésus-Christ : le Christ à la colonne
Dans l’abside, ce récit est associé à un cycle prophétique autour de la vie de Jésus-Christ, encadré par la vie de saint Jean le Baptiste, qui annonce l’Agneau de Dieu, et de l’apôtre Jean, qui a la vision de l’Apocalypse.
La rosace flamboyante de la façade occidentale
La rose actuelle, reconstruite à la fin du XVe siècle, remplace la rose primitive, qui traitait le même sujet. Elle comprend quatre-vingt sept panneaux illustrant l’Apocalypse selon saint Jean : elle se compose de six grands fuseaux convergeant vers la figure du Christ en majesté. Plus tardifs que les verrières de la nef et de l’abside, ses vitraux remontent, pour la plupart, au règne de Charles VIII.
L’un des quatre évangélistes (Luc, identifiable à son emblème, le taureau ailé) et deux cavaliers de l’Apocalypse (celui de la Mort, sur un cheval blême, qui met fin à toute vie sur la terre des hommes ; et celui de la famine, avec la balance, qui Amène la stérilité des terres et l’amaigrissement des bêtes et des hommes)
Dans cette rose flamboyante, la peinture sur verre met en valeur des figures plus grandes, dans une gamme de couleurs plus étendue. Depuis le début du XIVe siècle, les maîtres-verriers parvenaient à obtenir plusieurs couleurs sur une même pièce de verre sans les séparer par un plomb.
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