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La place Vendôme (1685-1708 / 1802-1875)

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graveur anonyme

Almanach Royal pour l’année 1700 (détail : Inauguration de la statue équestre de Louis XIV, place Louis-le-Grand à Paris, le 13 août 1699), 1700, burin et eau-forte, 91 x 60 cm, château de Versailles.

En 1685, le marquis de Louvois, surintendant des Bâtiments du roi, envisagea d’édifier une place monumentale au nord de la rue Saint-Honoré, avec l’intention d’y installer les principales institutions royales (les Académies, la Bibliothèque, la Monnaie, l’Hôtel des Ambassadeurs extraordinaires). Pour aménager cette « place des Conquêtes », le ministre fit l’acquisition de l’hôtel du duc de Vendôme et du couvent des Capucines, puis sollicita Jules Hardouin-Mansart et Germain Boffrand pour le plan et l’élévation des façades, ainsi que François Girardon, pour la statue équestre à la gloire de Louis XIV.

L’Hôtel de Vendôme fut alors détruit et le couvent des Capucines, déplacé dans la rue Neuve-des-Petits-Champs. Hardouin-Mansart et Boffrand imaginèrent d’abord une place rectangulaire, entourée d’une galerie couverte, qu’ils souhaitaient rendre accessible par la rue Saint-Honoré.

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D’après François Girardon

Louis XIV à cheval (détail du tapis de selle), réduction du monument équestre érigé à Paris, place Louis-le-Grand (place Vendôme), musée du Domaine départemental de Sceaux

François Girardon acheva le modèle de la statue équestre en 1687 : il représenta Louis XIV à l’antique, tel un « Alexandre moderne », bien qu’affublé d’une haute perruque de cour largement bouclée. Le souverain porte en effet le manteau de commandement antique, fixé à l’épaule, dont les plis retombent, soigneusement agencés, sur la croupe du cheval, sans qu’aucun emblème royal, en dehors des fleurs de lys ornant le tapis de selle, ne paraissent.

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D’après François Girardon

Louis XIV à cheval, réduction du monument équestre érigé à Paris, place Louis-le-Grand (place Vendôme), musée du Domaine départemental de Sceaux

Girardon conçut un monument typiquement français : il montre un cheval calme qui avance majestueusement, la jambe antérieure droite repliée, les trois autres posées sur le sol. Ce « cheval passant » s’inspire évidemment du Marc-Aurèle, célèbre antique qui suscitait beaucoup d’admiration.

La grandeur de la monarchie et la dignité de l’État se perçoivent dans l’attitude du souverain : le buste droit, le port de tête élevé, le geste ample, l’expression grave et sévère, presque crâne. Le cavalier domine sa monture, à l’exemple du souverain, qui gouverne le royaume avec maîtrise.

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Détail du glaive et du bouclier foulés

Le sculpteur compose également l’image d’un guerrier implacable, pointant l’index pour ordonner la soumission à son autorité, alors que son cheval foule, en signe de victoire, le glaive et le bouclier de l’ennemi vaincu.

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Pierre Drevet, d’après Hyacinthe Rigaud

Portrait du fondeur Jean Balthazar Keller, burin, Louvre

La mort de Louvois (1691) et la coûteuse Guerre de la Ligue d’Augsbourg (1691-1697) figèrent le chantier pendant quelques années. A la fin de l’année 1692, la transcription du modèle de Girardon en bronze fut enfin entreprise, sous l’autorité de Jean-Balthazar Keller, spécialiste de la fonte à la cire perdue. La coulée d’un seul jet du cavalier et de sa monture constituait une prouesse technique inédite en France, dont la parfaite réussite participa largement à la renommée du monument équestre et de ses deux auteurs.

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René-Antoine Houasse

Transport sur la place Louis-le-Grand de la statue de Louis XIV, de Girardon, vers 1697, huiles sur toile, Paris, musée Carnavalet

La statue achevée fut entreposée dans un atelier du couvent des Capucines, dans l’attente de son installation au centre de la place, entourée de façades, sans corps de bâtiment. En 1697, l’administration des Bâtiments du roi commanda, par anticipation, deux tableaux représentant le transport du monument au peintre René-Antoine Houasse. L’opération délicate n’intervint toutefois pas avant 1699, lorsque Louis XIV renonça au projet de Louvois et laissa le terrain à la Ville, au profit d’une opération immobilière privée. Par gratitude envers la générosité du roi, les magistrats baptisèrent la place « Louis-le-Grand » et décidèrent de prendre à leur charge le coût du monument équestre de Girardon.

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Nicolas de Fer

La place Louis-le-Grand, vers 1705, burin et eau-forte, château de Versailles

C’est à ce moment que les façades du premier projet furent détruites et que Jules Hardouin-Mansart revit son projet de place : il réduisit sensiblement l’emprise de la nouvelle place, à laquelle il donna une forme octogonale, avec deux ouvertures au nord-ouest, vers le couvent des Capucines, et au sud-est, vers le couvent des Feuillants. Dès cette époque, les Parisiens désignaient les lieux comme étant la «place de Vendôme», en mémoire de l’ancien Hôtel du duc de Vendôme, plutôt que place « Louis-le-Grand ». 

La place Vendôme (1685-1708 / 1802-1875) dans Hôtels particuliers

L’Hôtel de La Fare (1702-1704)

Entourée d’hôtels particuliers sur un plan plus resserré, la place Louis-le-Grand attira magistrats et banquiers de la cour. Plusieurs architectes bâtirent, selon les dessins fournis par Hardouin-Mansart, ce bel ensemble architectural. Les façades devaient être uniformes : un rez-de-chaussée à refends percé d’arcades en plein cintre, ornées d’une clef couverte d’un beau mascaron à tête de faune riante ou grimaçante ; puis deux étages, réunis par un ordre corinthien sous un comble brisé, percé alternativement de lucarnes et d’œil-de-bœuf.

En 1702-1704, Jacques-Jules Gabriel bâtit l’Hôtel de La Fare, situé au n°14, pour son beau-père, Mathurin Besnier, avocat au parlement. Rapidement vendue à Claude François Paparel, la demeure passa entre les mains de la marquise de La Fare, sa fille, qui la laissa ensuite à Louis-Nicolas Le Tellier de Souvré, second fils de Louvois. Situé au milieu de l’une des faces de la place, l’hôtel forme un avant-corps de cinq travées, en léger ressaut et présentant six colonnes corinthiennes supportant un entablement couronné d’un fronton aux armes du roi.

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L’Hôtel Lebas de Montargis (1703)

Édifié par Hardouin-Mansart sur l’un des pans coupés de la place Louis-le-Grand, l’Hôtel Lebas de Montargis fut la demeure de Claude Lebas de Montargis (1659-1741), Trésorier général de l’extraordinaire des Guerres, qui avait épousé la fille de l’architecte, Catherine-Henriette. 

L’Hôtel Lebas de Montargis fut également la résidence de Charles Jean François Hénault, magistrat et homme de lettres, qui avait épousé, en 1714, Catherine Henriette Marie Lebas de Montargis, fille du richissime Trésorier de l’extraordinaire des guerres et petite-fille d’Hardouin-Mansart.

Dans cet hôtel, le président Hénault accueillit l’un des fondateurs du club de l’Entresol, l’abbé Pierre-Joseph Alary, qui occupait un petit appartement. C’est ici qu’entre 1724 et 1731, les membres de cette société politique se réunirent tous les samedis en fin d’après-midi. Le cardinal de Fleury, ministre principal de Louis XV, fit cesser l’activité du Club de l’Entresol, à la suite de plaintes exprimées par les ambassadeurs étrangers, mécontents des commentaires livrés sur les affaires concernant les cours étrangères.

Dans son journal, le marquis d’argenson évoque longuement le club de l’Entresol de l’abbé Alary : 

« En l’année 1724 ou 1725, quelques amis s’avisèrent de s’assembler, une fois par semaine, chez M. l’abbé Alary, pour s’y occuper des affaires du temps et d el’histoire moderne politique. M. l’abbé Alary, logeant place de Vendôme, dans un joli appartement en entresol, cela donna ce nom à la conférence.

(…)

On s’assemblait une fois par semaine (tous les samedis). On était, ou on devait être, à cinq heures, en place, et on y restait jusqu’à huit heures. L’hiver, chacun s’en retournait chez soi avec un nouveau degré de curiosité. L’été, on allait, en corps, se promener aux Tuileries, sur les terrasses ou dans quelques allées couvertes et à l’écart, pendant les grandes chaleurs. Là, on y conversait naturellement,de ce qui nous venait d’occuper plus sérieusement :

c’est là que seuls, en paix, errants parmi les bois

Nous voyons à nos pieds les favoris des Rois

Nous gagnions souvent les Tuileries à pied, M. l’abbé Alary ayant toujours été logé à portée de cette promenade, surtout pendant qu’il demeurait dans la place de Vendôme, d’où nous entrions aux Tuileries par la porte des Feuillants.

(…)

M. l’abbé Alary changea trois fois de logement, pendant la durée de l’Entresol : la troisième fois arriva lorsqu’il eut son logement à la Bibliothèque du roi [en qualité de garde de la Bibliothèque royale]. On y arrangea un véritable entresol, au-dessus de sa première pièce. Cela faisait souvenir du premier établissement, et on trouvait fort convenable que cette compagnie fût logée dans une maison royale, comme les autres académies. »

(Le marquis d’Argenson, Journal et mémoires, publiés d’après les manuscrits autographes par …E.J.B. Rathery, 9 vol., Paris, 1859-1867, t. I, pp. 91-111)   

 

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Un mascaron à tête de faune de la place Vendôme

Le sculpteur Jean-Baptiste Poulletier (1653-1719) réalisa lui-même ou supervisa l’exécution de tous les ornements de sculpture destinés aux façades des hôtels particuliers de la place Vendôme : les chapiteaux des colonnes, les bandeaux des fenêtres et, bien sûr, les mascarons couvrant la clef des arcades du rez-de-chaussée.   

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Poulletier dessina des têtes d’expression différentes, coiffées invariablement de feuilles de vigne et de grappes de raisin, de feuilles de chêne et de glands, de branches de pin garnies de petits fruits, de feuilles d’olivier semées de fleurs. Ce couronnement végétal convenait parfaitement aux faunes, divinités rustiques de la mythologie gréco-romaine, souvent associées aux bois et aux vergers. 

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Ces faunes sont dotés, comme ils se doit, d’oreilles pointues et d’un collier ou d’une barbe plus ou moins fournis ; parfois des barbillons suspendus sous le menton.

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Poulletier varie le rictus de l’expression d’une tête à l’autre, tourne le regard à gauche ou à droite, décrivant des yeux parfois exorbités et extrêmement roulés.

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La colonne de la Grande Armée

En 1792, le monument équestre de Girardon fut renversé. De 1793 à 1799, la place prit le nom de « place des Piques ». Après l’assassinat de Le Pelletier de Saint-Fargeau, qui avait voté la mort du roi, le peintre Jacques-Louis David y organisa une cérémonie funèbre au cours de laquelle le corps du martyr fut exposé nu et sanglant, simplement recouvert d’un drap laissant apparaître sa plaie.

C’est en 1800, sous le Consulat, que l’idée d’un nouveau monument au centre de la place fut évoquée pour la première fois. Un décret établit alors la construction d’une colonne « dédiée aux braves » au chef-lieu de chaque département. A Paris, le Premier consul Bonaparte préconisa l’érection d’une colonne nationale, sur la place de la Concorde, et d’une colonne départementale, sur la place Vendôme, dont Lucien Bonaparte posa la première pierre, le 14 juillet. Sans suite. Deux ans plus tard, le Premier consul reprit l’idée d’une colonne, place Vendôme, qu’il souhaitait dédier à la gloire du peuple français et décorer d’une statue de Charlemagne.

Le projet n’avança guère avant la proclamation de l’Empire, en 1804, et les premiers travaux d’embellissement de la capitale. En 1806, Napoléon modifia par ailleurs l’aspect de la place Vendôme : afin de relier la nouvelle rue de Rivoli aux boulevards, il fit démolir le couvent des Feuillants et l’église des Capucines, qui fermaient la place au sud et au nord, puis percer les rues de Castiglione et de la Paix.

Le projet d’une colonne, dressée à l’emplacement de la statue détruite de Louis XIV, fut alors ravivé. Il n’était toutefois plus question de dédier le monument au peuple français, mais de commémorer les batailles d’Ulm et d’Austerlitz ; ni d’y placer une statue de Charlemagne, mais la figure de l’Empereur.

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La face principale du socle de la colonne Vendôme

Fondue à partir des canons pris aux armées autrichiennes, la colonne dite « Vendôme » prit place sur un socle légèrement surélevé de trois marches de marbre. Sur la face principale du socle, vers la rue de Castiglione, une porte permet d’accéder à un escalier hélicoïdal qui s’élève jusqu’à la plateforme terminale de la colonne.

De ce côté, au-dessus du bas-relief représentant des trophées guerriers mêlant armures, casques, boucliers, flèches, piques, sabres, fusils et canons sur leurs affûts, deux Renommées  portent un grand cartouche qui porte l’inscription latine : « NEAPOLIO IMP. AVG. /  MONUMENTUM BELLI GERMANICI / ANNO MDCCCV / TRIMESTRI SPACIO DVCTV SVO PROFLIGATI / EX AERE CAPTO / GLORIAE EXERCITUS MAXIMI DICAVIT » (« Napoléon Empereur Auguste a consacré à la gloire de la Grande Armée cette colonne formée de l’airain conquis sur l’ennemi pendant la guerre d’Allemagne, remportée sous son commandement en 1805 en l’espace de trois mois »).

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Un détail du bas-relief de la colonne

Le fut de la colonne est décoré à la manière antique, et sur le modèle de la colonne Trajane, à Rome, d’une frise hélicoïdale, composée de bas-reliefs montrant des trophées et des scènes de bataille. Les dessins préparatoires des reliefs furent demandés, en 1806, à trois artistes : Pierre-Nolasque Bergeret (1782-1863), François Mazois (1783-1826) et Benjamin Zix (1772-1811). De nombreux sculpteurs, parmi lesquels François-Joseph Bosio (1768-1845), Claude Michel, dit Clodion (1738-1814), Jacques-Edme Dumont (1761-1844) et Simon-Louis Boizot (1743-1809), s’attelèrent à cette vaste entreprise.

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A gauche, le Napoléon à l’antique de Chaudet ; à droite, le « petit caporal » de Seurre

Quant à l’effigie de Napoléon, Dominique Vivant-Denon soumet le projet d’une figure vêtue d’une toge à l’antique, s’appuyant sur un très long glaive et tenant un globe surmonté d’une Victoire. C’est le sculpteur Antoine-Denis Chaudet (1763-1810) qui fut désigné pour l’exécution de cette statue.

Retirée à la chute de l’Empire et remplacée par un drapeau blanc sous la Restauration, l’œuvre de Chaudet servit, en 1822, à la fonte d’une nouvelle statue de Louis XIV pour la place des Victoires. La colonne Vendôme demeura sans couronnement jusqu’à la politique de réconciliation nationale, voulue par Louis-Philippe.

En 1833, une nouvelle statue de Napoléon fut demandée au sculpteur Charles-Émile Seurre, qui le représenta dans l’uniforme de colonel des chasseurs à cheval de la Garde. Cette figure du « petit caporal » constitue le type le plus connu des portraits de Napoléon, coiffé d’un bicorne et vêtu d’une redingote, la main glissée sous la boutonnière.

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Auguste Dumont, d’après Chaudet

Napoléon à l’antique, 1875, copie avec des variantes de la statue achevée en 1810, bronze, Paris, colonne de la Grande Armée

En 1863, sous le Second Empire, l’œuvre de Seurre fut à son tour retirée et envoyée près du rond-point de Courbevoie, à Neuilly. Une troisième statue, réalisée par Auguste Dumont, d’après le Napoléon à l’antique de Chaudet, la remplaça au sommet de la colonne.

Renversée en 1871 par la Commune, la colonne Vendôme fut relevée en 1873, sur ordre de la Troisième République. Une réplique de la statue de Dumont, réalisée en 1875, forme désormais son couronnement. Quant à la statue de Seurre, elle domine, depuis 1911, la cour des Invalides, du côté de l’église Saint-Louis, où le corps de l’Empereur a été transféré en 1840. Transportée par bateau pour la soustraire aux Prussiens, en 1871, elle était tombée dans la Seine pendant le sauvetage et avait perdu la tête !

A lire également en cliquant sur les liens ci-dessous :

La place Dauphine

La place Royale

La place des Victoires

La place Louis-XV

 

 

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